Nouvelle : « Une sacrée histoire à raconter »

vendredi 16 avril 2021
par  Dark Funifuteur
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Avec l’arrivée de la 6.3, une petite nouvelle :
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Le silence pesant qui régnait dans la pièce fut rompu par Maître Satele, qui posa une tasse sur la table avec un bruit sourd. De la boisson parfumée s’élevait un tourbillon de fumée. Aryn Leneer était assise, immobile, nerveuse, les mains sur les genoux et les yeux rivés sur la tasse.

« Ce thé est chaudement recommandé par le Général Daeruun, assura Maître Satele.

- Merci », Aryn se réchauffa les mains autour de la tasse. « J’en conclus qu’il doit être bon ?

- Très bon. »

Le silence se fit à nouveau, et l’ancien Grand Maître Jedi resta debout, étudiant lentement du regard le visage d’Aryn. De quoi la rendre encore plus nerveuse.

« Vous pouvez vous asseoir, vous savez, lança Aryn.

- Je préfère rester debout, répondit Maître Satele. - Mais, » poursuivit-elle sous le regard renfrogné d’Aryn, « je peux m’asseoir si cela vous dérange. »
Maître Satele tira une chaise et Aryn but une gorgée du thé qu’elle lui avait offert. Il était bon. Très bon. Et, étonnamment, plutôt apaisant.

« Vous ignorez sans doute ce que j’ai fait après… après avoir quitté l’Ordre, commença Aryn.

- J’ai entendu des rumeurs.

- Bien sûr », Aryn reprit une longue gorgée de thé. « On s’est installés sur Dantooine. Zeerid, Arra et moi. On a une ferme. C’est très calme.

- Ça a l’air merveilleux.

- Ça l’est, assura Aryn. Tout est si paisible. Alors, quand quelque chose ne va pas... on le remarque forcément. »
Une autre gorgée de thé. Ne serait-ce que pour se donner une contenance. C’était maintenant ou jamais. Elle devait le dire.

« Dark Malgus est venu sur Dantooine. »

Le regard fixe du Jedi ne vacilla pas d’un pouce. Aryn ne s’attendait pas à ce que le calme légendaire de Maître Satele Shan laisse brusquement place à la panique, mais son absence totale de réaction l’agaça. On aurait dit qu’elle venait de lui annoncer qu’il s’était mis à pleuvoir.

Aryn poursuivit : « J’ai senti qu’il arrivait, alors on s’est préparés. Zeerid a barricadé la ferme et emmené Arra dans un endroit sûr…

- Et vous, qu’avez-vous fait ? »

Après ce long silence, la question de Maître Satele fut si soudaine qu’Aryn crut tomber de sa chaise.

« Je… Je suis partie à sa recherche. J’ai suivi sa piste jusqu’au seul endroit de Dantooine qui pourrait intéresser un Seigneur Sith.

- L’enclave... » lança Maître Satele dans un souffle à peine plus audible qu’un murmure.

Aryn avala le reste du thé d’une traite. Elle ne savait pas si c’était les effets apaisants de la boisson ou le vernis stoïque de Maître Satele qui commençait à craquer, mais elle commençait enfin à se sentir prête à revivre ce qui s’était passé.


De la même façon qu’elle avait senti Malgus approcher de Dantooine avant qu’il n’arrive, Aryn pouvait sentir la puissance de la Force qui émanait de l’ancienne enclave Jedi avant même de la voir. Mais, alors que son speeder traversait les plaines herbeuses en direction des ruines, elle sentit autre chose : une présence forte, inextricable de l’aura de l’enclave, qui la corrompait…

Malgus.

Aryn contourna le plus gros blba qu’elle put trouver et gara son vieux tas de ferraille à l’ombre de sa canopée verdoyante. Elle remercia les étoiles que Zeerid ait pensé à installer une toute nouvelle cellule énergétique la veille. Aucun risque de tomber en panne.

Sans quitter des yeux l’entrée des ruines, elle glissa son sabre laser à sa ceinture. Depuis toutes ces années, elle avait oublié à quel point l’arme était lourde – tout comme sa responsabilité quand elle la portait. Repousser les chiens kath indisciplinés et les rares voleurs qui s’aventuraient près de la ferme ne nécessitait pas une arme aussi sophistiquée. À vrai dire, elle n’avait pas imaginé – ni espéré – en avoir à nouveau besoin un jour.

Elle surveilla l’entrée des ruines pendant plusieurs minutes sans remarquer le moindre mouvement. Aryn ignorait si Malgus avait déjà terminé ce qu’il était venu faire ou s’il était toujours à l’intérieur. Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir.

Il y avait plusieurs façons d’entrer dans l’ancienne enclave, mais Malgus, avec son impertinence légendaire, n’hésiterait sans doute pas à passer par la grande porte. Aryn, elle, ne se sentait pas particulièrement impertinente, mais elle fit de même.

Elle laissa derrière elle la lumière de la mi-journée pour entrer à tâtons dans l’obscurité de l’enclave. Ses yeux s’adaptèrent rapidement aux ténèbres des couloirs, mais elle garda tout de même la main sur son sabre laser le temps de bien prendre ses marques. Inutile de faire preuve d’imprudence. Elle invoqua la Force, mais ne sentit rien qui sortait de l’ordinaire, ou en tous cas, rien d’autre que ce qu’elle avait ressenti jusqu’ici. Et si un piège l’attendait, il se serait déjà refermé sur elle.

Aryn se retourna pour étudier ses environs. Grâce aux rais de lumière qui filtraient à travers les fissures du plafond, elle distinguait d’imposants blocs de pierre brisés. Qui sait ce qu’ils protégeaient autrefois, avant de s’effondrer il y a plusieurs siècles ? Aujourd’hui, ils ne servaient qu’à empêcher les intrus d’atteindre les nombreuses pièces oubliées de l’enclave.

Son regard s’arrêta au fond du sombre couloir qu’elle empruntait. Un rideau de poussière agité par un rayon de soleil cachait une ouverture si noire qu’elle ne pourrait que la conduire dans les entrailles du complexe.

En enjambant les débris qui jonchaient le sol en pierre, Aryn ne put s’empêcher de trouver la situation particulièrement ironique. Combien de Jedi auraient donné leur bras droit pour avoir la chance de venir ici ? Et elle – une paria, une ratée – elle avançait à tâtons dans l’obscurité de l’un des secrets les mieux gardés des Jedi.

Elle n’allait pas trop vite. Qui sait ce qui a bien pu élire domicile ici ? En s’approchant des murs, elle entendit un fourmillement et se dit qu’elle ne préférait pas savoir. Quant à ce que les Jedi avaient bien pu laisser derrière eux – pièges, alarmes… – ce mystère-là était encore plus grand.

Il ne lui fallut pas longtemps avant que la proximité constante, mais discrète, de Malgus se fasse ressentir de façon soudaine et brutale, emportant tout sur son passage. Une sensation quasi insupportable s’empara d’elle, chassant l’air de ses poumons. Malgus était bien à l’intérieur des ruines – il était même tout près.

Dans les ténèbres, elle l’entendit bien avant de le voir. Le bruit inimitable d’un cristal qui s’embrase et allume la lame d’un sabre laser. Elle ferma les yeux et leva les bras en l’air, invoquant le bouclier de Force le plus puissant qu’il lui fut possible de matérialiser en si peu de temps. Mais le coup ne vint jamais…

Et quand elle rouvrit les yeux, il n’y avait rien. Sauf de rapides éclairs rouges qui illuminaient les murs au loin. Malgus se battait contre quelque chose. Quelque chose qui lui donnait manifestement du fil à retordre.

Aryn accéléra la cadence. À chaque mètre parcouru, le bruit du combat de Malgus couvrait de plus en plus l’écho de ses pas. Métal contre pierre. Un bourdonnement d’énergie tranchant des circuits imprimés. Elle tira son propre sabre laser de sa ceinture et colla son pouce contre l’interrupteur.
Elle atteignit enfin le bout du couloir, qui débouchait sur une salle en pierre caverneuse. Elle pouvait voir les entrées des autres couloirs tout autour de la pièce. Et au centre, une imprenable forteresse de puissance, une silhouette sombre enveloppée par le côté obscur de la Force… Dark Malgus.

Il lui tournait le dos. Aryn se jeta derrière un pan dentelé de la paroi du tunnel avant que Malgus ne puisse la repérer. Accroupie dans sa cachette, elle vit d’imposants droïdes de combat – les défenses des Jedi, qui étaient toujours actives après toutes ces années – tomber comme s’ils étaient faits de paille. Les droïdes étaient rapides et féroces. Elle ignorait d’où ils venaient, mais peu importe. Malgus les abattait impitoyablement un par un, à peine apparaissaient-ils.

Rien ne pouvait l’arrêter. À chaque coup de sabre laser qu’il portait sans le moindre effort, à chaque coup de poing qu’il abattait avec violence, elle le sentait : il était tout aussi puissant que le jour où elle l’avait vu pour la dernière fois, plusieurs dizaines d’années auparavant. À l’époque, elle aurait eu une chance contre lui, mais là… impossible de le vaincre. Pas seule.

Lentement, Aryn commença à faire demi-tour, pliée en deux, prenant soin de ne pas se faire voir. Mais quand le petit caillou qu’elle toucha du bout du pied roula au loin en rebondissant avec – un trop grand – fracas sur le sol en pierre, elle se rendit compte que le combat de Malgus était terminé. Si l’écho du caillou sur la pierre fut assourdissant, ce n’était rien face au silence qui suivit.

Aryn se figea entièrement, à l’exception de sa main qui tressaillait autour de la poignée de son sabre laser. Elle ferma les yeux et commanda à chaque muscle de son corps de rester aussi immobile que la roche qui l’entourait. Elle tendit l’oreille mais n’entendit rien d’autre que son cœur qui battait à tout rompre.

Un bruit électrique fendit l’air quand le sabre laser de Malgus s’embrasa. Aryn attendit, son souffle court marquant les secondes qui lui restaient avant de faire un choix. Si elle attaquait depuis cette position, la surprise pourrait lui donner l’avantage. Ce serait le combat le plus dur de sa vie, mais plutôt mourir que de se rendre face à un Seigneur Sith.

Aryn laissa siffler la respiration qu’elle retenait entre ses dents et serra son sabre laser jusqu’à ce que ses doigts deviennent blancs. Elle planta fermement ses semelles au sol…

Et s’enfuit en courant.

Sans se retourner, Aryn traça un arc de cercle avec son bras derrière elle, faisant tomber de grosses pierres pour former une sorte de barricade. Elle tendit la poignée de son sabre laser vers l’avant et, sans s’arrêter de courir, appuya sur l’interrupteur. La lame illumina l’obscurité.

Combattre Malgus serait toujours un pari risqué. Elle avait une petite chance de l’emporter – négligeable, en réalité – mais Aryn avait appris dès le plus jeune âge à se fier à son intuition. Et elle savait, de toutes les fibres de son être, que si elle affrontait Malgus à ce moment précis, elle ne reverrait plus jamais la lumière du jour.

Cette lumière qui brillait comme un phare dans la nuit au bout du tunnel.

Elle s’arrêta net quand ses pieds foulèrent le sol hors des ruines de l’enclave. Au loin, près de l’arbre derrière lequel elle avait caché son speeder, une silhouette descendait de son propre véhicule. Aryn rangea son sabre laser et jeta ses dernières forces dans une course effrénée vers l’arbre.

« Aryn ! » cria la silhouette alors qu’elle atteignait l’ombre du blba.

Avant qu’elle ne puisse s’en empêcher, elle entra en collision avec Zeerid, jetant ses bras autour de ses épaules.

« Qu’est-ce que tu fais là ? » lui demanda Aryn en essayant de reprendre son souffle.

Le visage barbu de Zeerid s’assombrit lorsqu’il entendit l’urgence dans sa voix. « Je suis venu t’aider. Arra a dit qu’elle ne me le pardonnerait jamais si je te laissais y aller seule, mais ce n’est pas comme si j’en avais l’intention.

- Comment as-tu su où j’étais ?

- Je me suis dit que Malgus était sans doute venu chercher un truc ici.

- Il est ici. Je crois… déglutit Aryn, je crois qu’il a compris que j’étais ici aussi.

- Quoi ? Il t’a suivie ? » La main de Zeerid fusa vers le blaster qu’il portait à la ceinture et son regard scanna l’entrée des ruines.

« Je ne sais pas, avoua Aryn. Mais on ne va pas rester ici pour le savoir. » Elle enfourcha son speeder et le démarra. Le moteur rugit.

« Qu’est-ce qu’on fait ? » demanda Zeerid en grimpant sur son propre speeder.

Aryn se tourna vers les ruines. La présence de Malgus, sa douleur, sa colère, sa puissance… Elle sentait tout cela très clairement, même à l’extérieur des murs épais de l’enclave abandonnée. Pour le vaincre, ils auraient besoin des seules personnes assez fortes pour affronter un tel pouvoir. Malheureusement, elles n’allaient probablement pas être ravies de revoir Aryn.

« On va voir les Jedi. Ils sauront quoi faire.

- Tu es sûre ? demanda Zeerid.

- Non. Mais a-t-on vraiment le choix ? »


« Je voulais l’affronter. » Aryn basculait sa tasse vide d’avant en arrière, en faisant tourner le fond sur la table en bois. « Peut-être que j’aurais dû. Mais au fond de moi, je savais qu’il fallait plus d’un ex-Jedi pour arrêter un monstre comme Malgus. Alors j’ai mis Zeerid et Arra en sécurité et je suis venue ici. Je suis venue vous voir. »

Tout au long de l’histoire d’Aryn, le regard bleu vif de Maître Satele n’avait rien laissé transparaître, mais à cet instant, Aryn crut discerner une sorte d’amusement dans les yeux plissés du Jedi.

« Je suis ravie de constater que tu as mûri et que tu as appris à garder la tête froide. »

Aryn se tordit les mains et hocha légèrement la tête. Que Maître Satele la taquine ou la critique vertement, Aryn n’avait aucune envie qu’on lui rappelle pourquoi elle avait quitté l’Ordre Jedi.

« Je ressentais la colère de Malgus, sa frustration, mais il y avait autre chose. J’ai presque eu l’impression qu’il était… perdu. Comme s’il savait ce qu’il cherchait, mais qu’il ne l’avait pas trouvé. » Aryn soupira. « C’est tout ce que je sais. J’aimerais pouvoir vous en dire plus.

- C’est inutile. Vous avez fait du beau travail, Aryn. Merci. » Maître Satele se leva et s’avança jusqu’au mur opposé, dos à la pièce.

« Bien, commença-t-elle. Comment procède-t-on ? »

Aryn fronça les sourcils. « Pourquoi me posez-vous cette question ? répondit-elle au dos de Maître Satele. C’est le problème des Jedi maintenant, et s’il y a bien quelqu’un à qui je n’ai pas besoin de rappeler que je ne suis plus un Jedi, c’est vous. »

Maître Satele se tourna vers elle, son expression neutre laissant place à un air compréhensif. « Vous n’êtes pas la seule à avoir coupé les ponts avec les Jedi. Mon rôle, ma place dans l’Ordre n’est plus ce qu’elle était. Pour être honnête, ce n’est plus le cas depuis bien des années. Mais nous avons tous un rôle à jouer dans cette histoire, quelle que soit notre relation avec l’Ordre Jedi. »

Un silence se fit, mais avant qu’Aryn ne puisse répondre, une voix froide et claire se fit entendre à l’entrée de la pièce. Une jeune femme aux cheveux rouge vif était appuyée contre le cadre de la porte, les bras croisés.

« Satele, Gnost-Dural a demandé à vous voir. Quand vous aurez le temps. »

- Quelle heureuse coïncidence, ironisa Maître Satele. J’aimerais justement qu’il parle à quelqu’un. »

La jeune femme jeta un bref regard vers Aryn avant de tourner les talons et de s’en aller.

Maître Satele fit un geste vers la porte sans quitter Aryn des yeux. « Allons-y ensemble. Je suis sûre que Maître Gnost-Dural serait très intéressé par ce que vous avez à dire. »

Aryn se leva et fit un pas vers la porte. « Juste "Satele" ? Depuis quand êtes-vous si informelle avec les autres Jedi ?

- Syl est… une élève difficile. Je choisis mes combats avec elle. Ça nous permet d’avancer… » Maître Satele fit passer Aryn dans le couloir et referma la porte derrière elles. Elle tourna à droite et fit signe à Aryn de la suivre.

« Quand je dis que les choses ont changé, je ne plaisante pas, Aryn. L’Ordre Jedi, et beaucoup d’entre nous aussi. D’autres portent aujourd’hui les responsabilités qui étaient les miennes, et il faut que vous leur racontiez votre histoire avant de retourner auprès des vôtres. »

Elles poursuivirent leur chemin. « Je sais que les Jedi ne sont plus ce qu’ils étaient, commença Aryn. Mais les choses… ne peuvent pas être si différentes que ça, si ?

- Oh, si, répondit Maître Satele calmement. Mais les Jedi ont toujours connu le changement, même s’ils l’ont toujours ardemment combattu. Et au vu de tout ce que vous m’avez dit aujourd’hui, je crois que d’autres changements nous attendent... »


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