Abandon - une fanfiction de Morglaz : Chapitre 15

jeudi 1er novembre 2018
par  Dark Funifuteur
popularité : 5%

Morglaz nous partage le quinzième chapitre de la fanfiction mettant en scène ses personnages :
le Chapitre 1 est disponible ici
le Chapitre 2 : ici
le Chapitre 3 : ici
le Chapitre 4 : ici
le Chapitre 5 : ici
le Chapitre 6 : ici
le Chapitre 7 : ici
le Chapitre 8 : ici
le Chapitre 9 : ici
le Chapitre 10 : ici
le Chapitre 11 : ici
le Chapitre 12 : ici
le Chapitre 13 : ici
le Chapitre 14 : ici

BARRAGE DE VAARUN DAM, Dromund Kaas.

Les échafaudages fourmillent comme d’habitude sous le sombre ciel de la planète Impériale. la journée touche à sa fin, la lumière se fait rare tandis que les fantômes des esclaves battus par une pluie plus importante qu’à l’accoutumée regagnent tout aussi péniblement le sommet du barrage. Alors que leur ballet si bien arrangé se déroule sans faux pas, l’un d’eux chute, glissant le long de la rangée et emportant ses congénères sur son passage. Une plainte collective monte vers les étages supérieurs tandis que les gardes se ruent dans la descente pour ne pas soumettre leur main d’œuvre à un quelconque ralentissement. Non sans une certaine violence, ils ramassent les frêles humains étalés, presque incapables de se relever d’eux mêmes, et les remettent dans le sens de la marche. Certains sont blessés, forcément : Certes, c’est bénin, mais même s’ils sont nourris pour ne pas trop "s’user", les blessures provoquées par des éléments imprévus peuvent être importantes sur des os fragiles et des peaux abîmées. Parfois, une mauvaise chute et un poignet se brise. L’ouvrier est alors rapatrié chez son fournisseur, soigné, en quelque sorte, puis, pour ne pas tenter un de ses pairs à se blesser volontairement, redirigé vers un autre chantier. En outre, les soins sont minimes, sommaires, et les guérisons, bancales. Rien qui pourrait encourager qui que ce soit à se mutiler pour quelques "vacances".

Ria répète la même routine abrutissante que les jours et les semaines précédents, après le travail, le camp, la nourriture, le quartier-libre... Toujours les mêmes visages, aussi. Ils ne sont pas tristes, non : Ils sont fatigués souvent, soucieux parfois, rieurs par moments, fermés la plupart du temps. Perrick rejoint la Sang-Pur avec sa gamelle, qu’il tient alors de la main gauche, inhabituel pour ce droitier qui serre les dents. Manifestement, il s’est esquinté l’articulation dans la glissade collective de la soirée. Ria lui jette un regard furtif mais s’attelle à ne pas communiquer ou établir de contact même visuel avec lui. Après tout, peu lui importe sa situation : Ce n’est qu’un humain à moitié décharné qui mourra avant qu’elle ait atteint la moitié de sa propre existence, elle, la fière Sang-Pur, riche d’une biologie qui lui garantit une longévité supérieure à celle des vers de terre, et de loin.

Il veut en quelque sort l’imiter, peut-être même lui montrer qu’il en vaut la peine, qu’il peut s’élever à son niveau. Il voit qu’elle l’observe, parfois, avec ce regard dédaigneux. Bien sûr qu’elle a compris que son intégrité physique a été entamée. Tant qu’elle est là, il en profite.

- Je sais surmonter la douleur... Alors, c’est bon, la Sang-Pur va enfin m’accepter ? Est-ce que je suis enfin à la hauteur ? Tu es la plus impressionnante chose que j’ai vu dans ma vie. On parle des rouges, comme toi les comme toi, et je comprends pourquoi certains leur vouent presque un culte...

Elle roule des yeux, interdite, revenant à sa pitance.

- Je ne sais pas trop ce que tu me reproches Ria. Parle moi ! Que faut-il que je fasse ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Je t’ai sauvée Ria !

- Et alors, tonne Ria, rompant son silence.

- Je... Je croyais qu’on pouvait compter un minimum l’un sur l’autre. Tu es ma motivation depuis quelques semaines.

- Je te préférais avant. Quand tu n’étais pas à ramper devant moi. Mais ramper, c’est le propre des vers de terre, à ce que je vois. D’ailleurs, pourquoi tu rampes ? Je suis comme toi, une esclave.

Perrick esquisse un sourire, se moquant presque de cette jeune écervelée.

- Tu es une Sang-Pur, tu vaux mieux que, je sais pas, les trois quarts de la planète !

- Parce que j’ai la peau rouge ?

- Oui !

- C’est drôle, ailleurs, ce n’était pas le cas. Tu n’as pas beaucoup voyagé. Tu es idiot.

- C’est pas la question c’est...

Il parle dans le vent, son interlocutrice est déjà partie. Ragaillardi, il se lève et la suit, n’entendant pas abandonner.

- Ria mais à quoi tu joues ? Tu crois qu’on n’a que ça à faire, se courir après ?

- Tu me cours après, pas moi...

Plus Ria cherche à fuir la compagnie de Perrick, qui la suit désespérément en quête de sa grâce, plus sa patience s’amenuise. Alors qu’elle a atteint l’extrémité du campement, où la toile de la dernière tente jouxte la barrière qui délimite l’enclos, la sang pur jette un œil au travers de ce mur infranchissable. Elle aperçoit alors un étonnant cortège : un quatuor d’engins volant à une poignée de centimètres du sol, des speeders comme on les appelle, moyens de transport sur répulseurs qui permettent de voyager sur la surface d’une planète à une vitesse fulgurante. Il ne passe que rarement de speeders personnels, ceux-ci étant réservés à une élite. Pour la population la moins importante, marcher où utiliser un service de transport communautaire restent des solutions. Mais ces quatre speeders sont uniformes et leurs pilotes, tout aussi identiques les uns aux autres. Il s’agit d’une patrouille de soldats de l’armée impériale, qui passe en quelques secondes et disparaît dans le brouillard. Elle rêve de les suivre et sent un instinct de liberté bouillonner en elle.

Ramenée à la réalité par une voix qui la hèle dans son dos, cédant finalement à sa colère, la rouge se retourne et le ver de terre s’effondre.
Le poing de Ria vient d’entrer en collision avec la mâchoire de Perrick, un discret bruit d’os ponctuant le choc. Une fois l’humain au sol, la sang pur, bestiale et déchaînée, fond sur lui pour lui assigner une correction incontrôlée. Quelques "collègues" cherchent à arracher l’esclave humain des griffes de la rouge méconnaissable, sans succès aucun : Celle-ci les surpasse de beaucoup. Quant à l’objet de sa colère, Perrick, elle a bien le temps de l’amocher avant que les gardiens rappliquent armés de leurs matraques pour les séparer. Tandis que Perrick gît, inanimé, assommé, Ria se fait physiquement rappeler à l’ordre, matraquée par ses surveillants. Plus aucune rage n’habite la sang-pur pendant ce temps où elle ne se défend même pas, acceptant la sentence. Elle semble soudain déconnectée de l’instant présent, ailleurs.

Une fois la sanction passée, meurtrie, la jeune Ria essuie d’un revers de manche le sang qui coule du coin de sa lèvre, et, se relevant péniblement, rejoint la tente où elle a élu domicile. Elle n’a pas vu que Perrick a été emmené dans l’office médical pour y être... Entretenu. Pour cette rixe entre ouvriers, pas d’autre correction prévue que le passage au tabac dont elle a été victime ; après tout, il faut qu’elle soit opérationnelle, et on n’est pas là pour s’éterniser en discussion et en enquêtes. Elle sent tout son corps la brûler, toujours ce goût de sang dans la bouche, et comme une sorte de profonde tristesse qui lui fait froncer son arcade sourcilière et lui donne un regard encore plus sombre et glaçant.

-

Ria dort profondément cette nuit là. Harassée par les coups, fatiguée, épuisée, elle commence aussi à manquer de forces, amenuisées au fil des jours. Son réveil est encore plus douloureux, comme si un rancor s’était assis sur elle et l’avait écrasée de tout son poids durant la nuit. Cette fois, elle ne se donne plus le choix, il est temps, c’est le moment idéal.

Après le rituel matinal, la nourriture, la déambulation jusqu’au barrage, Ria descend l’interminable échafaudage, jusqu’en bas. Cherchant à dissimuler sa différence sous sa capuche, elle a au moins ça pour elle : La douleur de la raclée de la veille lui donne la même allure que les autres fantômes du camp, lui rendant la tâche plus facile pour se fondre dans la masse, ironiquement le jour où elle décide de partir. Alors qu’elle réceptionne outils et chargements au pied du barrage, la sang-pur s’éloigne tranquillement, chargée, vers l’un des pavillons adossés à la paroi du canyon, ceux-là mêmes par lesquels elle s’est introduite auparavant. Une fois à l’intérieur, elle attend. Elle attend qu’on l’oublie. Alors que la lumière du jour commence à diminuer, elle sent qu’il est temps. Se débarrassant de ses loques grises, risquant de la confondre, elle reste aux aguets, parée à l’assaut. Quelqu’un approche, elle se tapit dans un coin. Le dernier garde, peut-être passablement éreinté par sa mission lui aussi, ferme les pavillons et s’apprête à clore celui où Ria s’est absentée quand celle-ci l’attrape et s’applique à lui rendre coup pour coup ce qu’elle a reçu la veille. Cette fois, il est seul, elle peut tout à fait le maîtriser. Et elle le maîtrise. Lorsqu’elle est sûre qu’il est inconscient, elle sort et fuit, remontant le long du canyon, courant pour la liberté.

JUNGLE DE DROMUND KAAS, Dromund Kaas.

Elle est loin maintenant. De nouveau dans la jungle. Elle réprime un hurlement, déchirée de désespoir, de tristesse, de douleur. Elle reste une simple mortelle, faible, sensible, corruptible. Elle a abandonné Perrick, promis à une mort certaine, sans un au revoir, quelqu’un qui lui a servi et qui l’a servie, qui comptait sur elle et sur qui elle pouvait compter. Le premier, le seul, depuis longtemps. Ou depuis toujours. Et pour toujours.

À suivre...
© Morglaz McLeod


Commentaires